La mission d’assistance technique de l’Union européenne auprès de la Cemac va soutenir les États de l’Afrique centrale dans la recherche des financements des projets régionaux d’infrastructures de transports, d’énergie et des TIC, visant à consolider l’intégration régionale.
Les pays de l’Afrique centrale l’ont compris sans ambages : le développement de ce vaste marché, cet espace économique, passe par la consolidation de l’intégration régionale, laquelle, à son tour, nécessite la mise en œuvre des projets d’infrastructures ayant des répercussions au-delà des frontières de chacun de ces pays. Dans cette perspective, des ministres sectoriels ont planché quelques années plus tôt, sur les projets à mettre en œuvre aussi bien dans les secteurs des transports (terrestre, ferroviaire et fluvial), de l’énergie, que des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Secteurs jugés prioritaires aussi bien par les chefs d’Etats de la région que par leurs partenaires multilatéraux, dont l’Union européenne. Car, non seulement ces secteurs sont pourvoyeurs de niches d’emplois et peuvent faciliter l’inclusion sociale, mais aussi, leur développement peut réduire les fractures sociales parfois observées entre les localités urbaines et les localités rurales, entre les genres masculin et féminin, etc.
Depuis le mois de janvier 2020, une mission d’assistance technique indépendante, retenue à l’issue d’une mise en concurrence des bureaux d’étude, dans le cadre du Programme d’Appui à la Gouvernance des Infrastructures Régionales et Nationales (PAGIRN) en Afrique Centrale, s’est déployée dans les pays de l’Afrique centrale à l’effet d’identifier et d’analyser les projets d’infrastructures régionales et nationales existants, et d’envisager la recherche de financements mixtes (blending finance). La mission était constituée du bureau d’études Ecorys basé à Rotterdam aux Pays-Bas, responsable de la gestion du projet, et de l’entité belge Cowi Belgium en tant que chef de file du consortium dont fait partie Ecorys. Le consortium belgo hollandais a organisé son déploiement depuis le siège de la Délégation de l’Union européenne à Bangui, en Centrafrique, l’UE étant le partenaire de la Commission de la Cemac (C-CEMAC), statutairement basée, elle aussi, en République Centrafricaine (RCA).
Cameroun, passage obligé
Au final, sur la centaine de projets régionaux d’infrastructures antérieurement conçus et examinés par les ministres sectoriels (transports, énergie, TIC) puis validés – pour certains – par les chefs d’Etat de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cema)c ou de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), une quarantaine a été retenue comme éligibles au mode financement en blending. Il s’agit, pour ne prendre que quelques exemples, de projets de construction de routes ou de voies de contournement de certaines villes (comme Yaoundé et Maroua au Cameroun), de projets d’amélioration des performances d’autres corridors routiers et ferroviaires existants (à l’instar du corridor Douala-N’Djamena, ou de la ligne de chemin de fer Belabo-Ngaoundéré, qui est à améliorer), ou encore de la réhabilitation de certaines routes (Ngaoundéré-Garoua, Magada-Yagoua, Moutouroua-Maroua, Tibati-Fabadi).
Des infrastructures dont les coûts se chiffrent parfois à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA. Si le Cameroun n’est pas concerné directement par certaines de ces infrastructures, il n’en demeure pas moins qu’elles impactent notre pays, passage obligé de quelques-uns de ces projets. Comme le projet d’aménagement du barrage hydroélectrique de Booue et lignes associées au Gabon, d’une capacité de 441 MW (projet localisé au Cameroun, au Congo, au Gabon et en Guinée Équatoriale), de Tsengué-Lélédi, au Gabon, de Chollet (République du Congo) et des lignes associées Cameroun, Congo et Gabon, avec localisation au Sud-Cameroun et à l’Ouest de la RCA. Ou encore l’aménagement hydroélectrique du barrage de Dimoli et lignes associées en RCA, d’une capacité de 200 MW. Toujours à ce chapitre de l’énergie, le Cameroun ne sera pas moins impacté par le développement du site hydroélectrique d’Inga et des interconnexions associées, comme celle qui reliera cette localité congolaise (RDC) à Calabar, au Nigeria.
Comprendre le financement mixte
Ces projets régionaux d’infrastructures ont été sélectionnés comme éligibles au financement mixte, à l’issue de l’atelier qui a regroupé les parties prenantes à Douala, les 20 et 21 janvier 2022 en présence du président de la Commission de la Cemac, le Professeur Daniel Ona Ondo, des représentants de l’Union européenne et des bureaux d’étude Cowi/Ecorys, tous en synergie avec l’Ambassadeur, Chef de la Délégation de l’Union européenne auprès de la Centrafrique, Douglas Carpenter, qui intervenait en vidéo-conférence depuis Bangui. « Il s’agit de trouver des investissements avec le secteur privé. Il est évident que l’Union européenne ne peut pas tout financer, il y aura toujours un gap. Il faut trouver des investissements privés (…) C’est une approche novatrice dans notre sous-région et à laquelle nous adhérons », a déclaré le haut fonctionnaire gabonais, pour souligner l’importance du financement mixte.
Sur les conditions de financement desdits projets régionaux d’infrastructures, Andrea Ferrero, employé à la Délégation de l’Union européenne à Bangui, déclare : « Les principales conditions (de mobilisation de la subvention de l’Union européenne) c’est de trouver une institution financière qui soit intéressée à financer et collaborer avec la subvention de l’Union européenne pour mobiliser ces prêts. Donc ça signifie que les Etats membres devraient avoir l’espace fiscal pour pouvoir accéder à des financements qui seront à des taux concessionnels, mais toujours est-il que ce sont des dettes qui seront remboursées. Donc c’est important qu’il y ait l’espace fiscal pour ce monde et surtout que les projets à potentiel de développement aient une faisabilité économique et financière. » Selon lui, « le principe du blending ce n’est pas de donner une subvention pour [financer] par exemple une route, mais de mobiliser à travers des fonds de garantie ou des subventions à taux d’intérêt ou d’autres instruments financiers, de mobiliser les autres institutions financières (…) Donc on pourrait mobiliser dix fois ce que serait la subvention de l’Union européenne ».
Sélection très rude
La sélection des 46 projets régionaux a obéi à des critères assez rigoureux, comme l’indique le rapport de synthèse dont Le Jour a eu copie. Un de ces critères est la vérification que ces projets sont durables du point de vue environnemental et résilients face aux effets du changement climatique, car ayant fait l’objet d’études de faisabilité technique, juridique, socio environnementale et commerciale-financière. Ceci tient au fait que les partenaires multilatéraux de la sous-région ont mis un accent sur la promotion de l’économie verte, dans un contexte où le continent africain est, autant que les autres, touché par les conséquences du changement climatique, de la dégradation de l’environnement et de la pollution. Sans compter les guerres et les crises sécuritaires de tous genres, qui compromettent le développement de ce continent aux ressources pourtant immenses.
En outre, le rapport de synthèse relève que « les projets choisis sont ceux dont les financements sont en cours selon le mode de financement blending, et pour lesquels les Délégations de l’Union Européenne (DUE) ou les institutions financières partenaires de l’UE ont marqué leur intérêt. Selon ce critère, des sources de financements fiables sont disponibles pour l’exécution du projet. Ce critère suppose également que les Etats concernés par le projet remplissent parfaitement les conditions de l’endettement public, notamment celles souvent exigées par le Fonds monétaire international (Fmi) ». C’est de l’état de la maturité des projets dont il est question ici, car l’intérêt des bailleurs de fonds internationaux en dépend. Tout comme le jugement de la pertinence de ces projets par les experts de la mission d’assistance technique. Parmi les institutions financières internationales potentiellement intéressées par ces initiatives, figurent en bonne place le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque africaine de développement (Bad), la Banque islamique de développement (BID), mais aussi la Banque européenne d’investissements (BEI), entre autres.
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